Tandis que la poésie paraît être reléguée au second plan ailleurs, elle demeure encore dans beaucoup de pays de l’Amérique latine et dans certaines îles de la Caraïbe un genre privilégié. En Haïti, on parle même d’un genre majeur, avec une forte production à la clé. Car, d’un point de vue purement générique, de nombreux auteurs se sont manifestés a priori comme poètes dans le champ littéraire haïtien, avant de devenir romanciers, nouvellistes, dramaturges ou essayistes ; d’autres continuent à entretenir leur lien avec la poésie, tout en produisant des écrits ou des oeuvres d’art d’une autre nature et envergure.
La poésie moderne et contemporaine haïtienne, à la fois locale et migrante, évolue et se pratique intensément dans les deux langues officielles du pays désormais : d’abord, le français qui s’arcboute sur une grande mémoire culturelle et littéraire, puis le créole qui s’est affirmé, depuis près d’une quarantaine d’années, en tant que langue d’écriture, au terme d’interminables luttes, travaux et recherches soutenus, menés tant par des linguistes, des didacticiens, des pédagogues, des théoriciens, que par des créateurs, notamment le poète Georges Castera fils qui pratique les deux langues à un rythme régulier, au regard de ses parutions qui constituent une oeuvre imposante.
Il permettra donc entre autres de dévoiler, d’abord, tout un pan du patrimoine littéraire haïtien en tenant compte de sa dimension moderne, ses hiatus et ses cohérences, ses faiblesses et ses avancées, sa portée et son impact ; ensuite, de dégager les rapports que cette poésie et ses auteurs entretiennent avec des sphères culturelles et géographiques proches, en soulignant certaines singularités; enfin, de chercher à élucider un certain nombre de problématiques renvoyant aux situations de cette poésie.